Je ne vous présente plus Paul B. Preciado, vous l’aurez compris : c’est mon philosophe-chouchou !
Ce texte est celui de son intervention devant l’École de la cause freudienne en France le 17 novembre 2019. Encore une fois, Paul B. Preciado ne mâche pas ses mots, fait une conférence à la fois sans concessions et pleine d’espoirs.


Paul B. Preciado commence son intervention en relatant sa transition, avec beaucoup d’espoir il explique comment s’accepter a été une puissante source de bonheur.

Ma vie en dehors du régime de la différence sexuelle est plus belle que tout ce que vous auriez pu me promettre comme récompense pour consentir à la norme.
(Page 46)

(…) en sortant de la cage de la différence sexuelle, j’ai connu l’exclusion et le rejet social, mais rien de tout cela n’aurait été aussi désastreux et douloureux que la destruction de ma puissance vitale que l’acceptation que la norme aurait exigée.
(Page 46)

Paul B. Preciado continue son intervention avec une remise en cause de la psychanalyse basée sur les théories hétérocolonialistes formulées par des psychanalystes hommes hétérosexuels et ses effets sur une patientèle de différences sexuelles et/ou féminine. Il critique aussi une psychanalyse qui tend à normaliser la position d’homme et de femme selon une épistémologie hétéronormative.
Et demande une ouverture aux pratiques “dissidentes” pour ouvrir le terme de “dysphorie de genre” et proposer une psychanalyse plus queer, plus ouverte.

(…) il est urgent de faire une relecture féministe et queer du complexe d’OEdipe selon Freud.
(Page 83)

(…) en portant la faute sur OEdipe et en mettant tout le poids de l’analyse sur son supposé ‘désir incestueux’, Freud et la psychanalyse ont contribué à la stabilité de la domination masculine, en rendant la victime responsable du viol et en transformant la loi psychique les rituels sociaux de normalisation du genre, de violence sexuelle et d’abus des enfants et des femmes, qui fonde la culture patriarco-coloniale.
(Page 83)

Le philosophe persiste et demande une analyse de la prise en charge des personnes en situation de différence sexuelle dans l’Histoire et plus particulièrement depuis la Seconde Guerre Mondiale par la psychiatrie et sous couvert des théories psychiatriques et épistémologiques mises en avant par Lacan et selon lesquelles nous vivons exclusivement dans un monde de binarité, de bio-sexe et de genre, excluant de fait les personnes trans.

Enfin, Paul B. Preciado, conclu son intervention par une analyse historique et politique de l’acceptation des genres non-binaires et en appel à une transformation de la psychanalyse pour la rendre plus actuelle des changements de perception de différence sexuelle et moins portée vers les théories lacaniennes et freudiennes.

La psychanalyse est face à un choix historique sans précédent : soit elle continuer à travailler avec l’ancienne épistémologie de la différence sexuelle et légitime de facto le régime patriarco-colonial qui la soutient, devenant ainsi responsable des violences qu’elle produit, soit elle s’ouvre à un processus de critique politique de ses discours et de ses pratiques. (Page 125)

Cette deuxième option, implique de commencer un processus de dépatriarcalisation, de déshétérosexualisation et de décolonialisation de la psychanalyse comme discours, comme récit, comme institution et comme pratique clinique.
(Page 125)