Extraits de l’article universitaire publié par le laboratoire Paragraphe (2019)


Durant le colloque, une exposition présentait les œuvres créées lors de la résidence. Elle a eu lieu le 14 et 15 mars 2018 à l’Espace culturel Tchif. L’expérimentation que j’ai présentée s’intitule « Histoire continue/histoires alternatives ». Elle expose plusieurs artefacts médiales et explore le circuit de création et de circulation de l’information.
En premier lieu, un circuit imprimé obsolète d’ordinateur sur lequel deux motifs ont été apposés -une main et un oeil-, ceux-là préalablement calqués sur du papier aluminium. Ce premier support est installé sous une plaque de verre sur lequel une souris est mise à disposition.
Un programme codé est censé faire apparaître à l’écran un schéma électronique dont les composants ont été remplacés par des motifs traditionnels : une poule, un soleil, une main, un œil et un disque vinyle. Lorsque le lecteur bouge la souris, il provoque le mouvement d’un point sur le circuit imprimé, symbolisant ainsi le mouvement de l’électricité sur le circuit électronique. Dès lors qu’il utilise le clic gauche, il provoque l’impression d’un document pdf.
Le document imprimé en format A4 est une page in-six pliée, présentant textes et images. Les images sont des photographies représentant diverses femmes portant l’habit traditionnel et ces reproductions sont falsifiées par la technique du « glitch ». Le texte est fragmenté en six parties égales permettant la pliure. Celui-ci narre une uchronie, dates par dates, dans laquelle suite à une manifestation des femmes, le pouvoir actuel est renversé : une femme accède à la Présidence de la République du Bénin et décide d’en faire une société matriarcale en ré-instituant la royauté. La nouvelle Reine se présente comme « Hangbé II », en hommage à la seule Reine du royaume du Dahomey… jusqu’à ce que survienne une nouvelle révolte.

Photo du vernissage

Le résultat de cette résidence en immersion interroge la place des femmes dans la communauté béninoise. Lors de cette immersion je me suis inspirée de l’histoire et des codes sociaux présents au sein de la communauté béninoise à Cotonou et ses environs ainsi que au sein même de l’Institut Cerco pour créer le fil narratif de mon travail textuel.

L’expérimentation «Histoire continue/histoires alternatives» questionne le système de l’information : hardware/software/équipements de télécommunications ainsi que les usages de chacun de ces matériaux. En montrant ces différents éléments de manière séparée au visiteur, l’œuvre propose une lecture à partir des artefacts qui composent la trajectoire de l’information : circuit imprimé, logiciel, papier. Cette approche permet donc de ramener l’attention du lecteur sur les machines qui fabriquent et transportent l’information et non l’information elle-même. Et ce, avec toujours le schéma électronique comme représentation de l’information -ici un texte uchronique- :
– Sorti de sa coque d’ordinateur le circuit imprimé devient un objet participant à l’esthétique de l’œuvre globale. Le support de couleur verte strié par un ensemble de réseaux en cuivre dépourvu de ses composants mais comportant encore quelques traces de soudures en étain représente le chemin du courant électrique et sous-entend la tension électrique -aujourd’hui révolue. Son exposition auprès du lecteur pousse celui-ci à s’interroger sur « l’intérieur des machines » : à cet ensemble de chemins, de composants et à la tension électrique qui les traverse participant ainsi au bon fonctionnement de la machine et de la transmission de l’information.
– Le software présenté sous forme d’une application en principe accessible sur un ordinateur montre à voir un schéma électronique sur lequel les composants ont été remplacés par des motifs de pagnes. La souris, troquée par un point noir dont les vibrations simulent le courant électrique en constant mouvement, sous-entend que l’information est acheminée par le courant électrique.
– Enfin, si les machines exposent à la vue du lecteur le chemin de l’information de manière technique, l’information elle-même est lisible uniquement sur un support papier. Textes et images sont mis en lecture de manière fragmentée, voir falsifiée par une mise en page permettant la lecture dans un sens et dans l’autre de la feuille. L’objet textuel présent sur le papier est un texte bref écrit de manière fragmentaire. Il présente date par date le récit d’une uchronie. Il me semblait intéressant d’utiliser la fragmentation du texte -concept actualisé par l’écriture hypermédiatique10- pour ajouter une forme de confusion dans la temporalité du récit. J’ai aussi utilisé le support papier lui-même pour confondre le temps du lecteur : la page A4 sort vierge de toute pliure de l’imprimante, le choix est donc au lecteur de la pliée en 6 partie distinctes ou la laisser ainsi. Toutefois le pliage de la feuille permet de donner un sens de lecture et ainsi faciliter non seulement la lecture mais aussi la compréhension du texte.

Photo du vernissage
Photo du vernissage

Photo du vernissage